Balance ta start-up, le compte qui raconte les coulisses des jeunes entreprises

Par Nathalie Dépret

Salariés en burn-out mal payés ou harcelés, droit du travail ignoré… Dans la mouvance de #metoo, Balance ta start-up entend bien mettre la start-up nation face à ces abus et ces contradictions. Explications.

L’envers du décors des start-ups

Il y a eu Balance ton porc puis Balance ton agency, Balance ta rédaction, Balance ton bar, Balance ton salaire, Balance ton cabinet d’avocats. En décembre 2020, le petit monde de la startup a été secoué par l’arrivée du compte Instagram Balance ta startup. Son but ? Libérer la parole et alerter sur les pratiques de certaines jeunes pousses qui piétinent allégrement le droit du travail.

  • La créatrice du compte (qui n’a pas répondu à notre demande d’interview) est anonyme. On sait juste qu’elle connaît bien ce milieu professionnel ;
  • La plateforme recueille des témoignages de salariés actuels ou anciens ;
  • L’identité des témoins est vérifiée en demandant des preuves comme un contrat de travail ;
  • Le compte attend de recueillir suffisamment de témoignages sur la même entreprise avant de les publier en ligne ;
  • Les start-ups citées bénéficient toutes d’un droit de réponse ;
  • Aujourd’hui, Balance ta start-up compte 194 000 abonnés.

Startup, les dérives d’un écosystème

Harcèlement moral ou sexuel, management malsain, violence verbale. Pour décrocher le jackpot, tout semble permis. Des comportements qui ne sont pas sans rappeler les traders de Wall Street des années 80. Pression de réussite, manque de moyens, managers peu ou pas formés, absence totale de culture d’entreprise, certaines entreprises semblent ignorer le Code du travail. Florilège navrant des conditions de travail dans les start-ups.

  • « On paie les gens 10% de moins que dans une start-up parce que pour bosser ici, il faut vraiment être hyper motivé, tu vis pour le projet et c’est ta motivation, pas l’argent »
  • « On m’a ouvertement demandé de ne pas tomber enceinte si je voulais conserver mon emploi »
  • « Un jour le CEO nous a acheté un t-shirt sur lequel il y avait la photo d’un chien et où il était écrit ’brave petite bête’ »
  • « Le turnover y est incroyable. Les gens défilent dans cette boite et repartent soit brisés, soit en burn-out soit avec le soulagement ultime que l’enfer est enfin terminé »
  • « Lorsque j’ai demandé de changer d’équipe : ‘Très bien, mais je serai encore ta manager et je ferai en sorte que tu n’aies que des tâches de merde’ »
  • « Toute l’équipe en chômage partiel pendant le premier confinement alors qu’on leur demande de faire leurs horaires normaux »
  • « Mais en fait, tu ne sers à rien »
  • « Un des deux dirigeants a déjà interdit aux employés de dire bonjour le matin en arrivant, cela faisait perdre trop de temps »
  • « On ne te paie pas les heures sup’ mais bon on te paie le burger et la bière en travaillant, ce n’est pas cool ça ? »
  • « Il recevait ses futures recrues en peignoir de bain chez lui, avec les parties intimes visibles ».
  • « Chez nous, y a pas de bons, y’a pas de très bons : soit t’es excellent, soit tu pars »
  • « En tant que stagiaire, vous êtes contraint de faire le ménage pendant vos pauses sous prétexte qu’ici, on a l’esprit de famille »

Les licornes dégringolent de leur piédestal

Dans un monde où la disruption est la bienvenue, les entreprises visées apprécient évidemment peu le déballage de leur linge sale en public. Certaines nient ou restent muettes, d’autres dénoncent un lynchage et se plaignent de cette parole tous azimuts qui fragilise des entreprises.

Et même si la lanceuse d’alerte encourage également les commentaires positifs, ils sont plutôt rares. La majorité des salariés semblent en effet très désireuse de partager la violence et les abus qui se manifestent dans cet univers réputé cool et qui se sont intensifiés depuis la crise sanitaire. Voici quelques-unes des entreprises épinglées par Balance ta start-up :

  • Le Bonbon
  • Doctolib
  • Lou yetu
  • Lydia
  • Meero
  • Manucurist
  • Swile

Informer les salariés de leurs droits

Balance ta start-up ne se contente pas de dénoncer des conditions de travail inacceptables. La plateforme souhaite également améliorer le bien-être des salariés en leur apportant les conseils nécessaires. Pour cela, elle a fait appel à Alkemist, un cabinet d’avocats spécialisé en droit du travail.

Le jeudi vers 18h, deux avocates, Elise Fabing et Marion Simonnet animent un Instalive sur le compte de Balance ta start-up. Trente minutes pédagogiques pour rappeler les droits des salariés sur des thématiques comme :

La startup nation, un eldorado fantasmé

Balance ta start-up a égratigné le mythe de la start-up nation, un écosystème importé de la Silicon Valley qui ébauchait une vision idéale du travail du 21ème siècle : des tables de ping-pong, un bar à sushi, des projets excitants, un management horizontal et des patrons en jean-baskets.

En quelques années, la start-up alimente tous les fantasmes grâce à des réussites comme BlaBlaCar, Airbnb ou Vinted. Évidemment, toutes ces entreprises ne sont pas des machines à broyer les gens et beaucoup essaient d’être à l’écoute de leurs salariés pour pérenniser la réussite de leur entreprise et garder les talents. La preuve, certaines figurent même dans le classement annuel de Best Place to Work en France.

Balance ta start-up et après ?

Certaines start-ups « balancées » par le compte Instagram, comme Stella&Suzie, Iziwork, Lou Yetu ou Lydia assurent s’être remises en question à travers des audits ou de nouveaux dispositifs RH. Mais malgré les révélations, la plupart continuent leur expansion sans sembler se soucier des injustices dénoncées.

Certes, la QVT ou la marque employeur sont essentielles pour recruter mais les start-ups représentent un tel potentiel financier que la parole libérée ne perturbe pas plus que cela les fonds d’investissements. La preuve avec Doctolib, également montré du doigt sur glassdoor, qui a littéralement explosé avec la crise du Covid avec plus de 96 millions de rendez-vous pris en ligne en 2020. Quant à Lydia, l’app a levé 103 millions d’euros et vient juste de rejoindre le panthéon très envié des licornes de la French Tech. Bref, la start-up nation continue de briller de mille feux. Mais jusqu’à quand ?

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