Tout ce qu'il faut savoir sur le blurring (et comment s'en sortir)

Par Nathalie Dépret

Le blurring est un terme qui désigne la disparition de la frontière entre la vie personnelle et la vie professionnelle. Une tendance qui fait des dégâts.

Avec la révolution numérique, le cadre professionnel s’est métamorphosé. Désormais, on travaille dans le train, chez soi, en terrasse et même en vacances. Le blurring, cette pathologie des temps modernes (du verbe anglais « to blur » : brouiller, effacer) est devenu un sujet d’inquiétude et pour cause. En 2014, l’ENRED révélait que 67% des salariés européens étaient sollicités par leur travail en dehors de leurs horaires professionnels. En 2016, 37% des actifs disaient utiliser les outils numériques professionnels hors temps de travail selon une étude Eléas. « Ce phénomène touche principalement les cadres mais cela peut aussi concerner les personnes qui travaillent en horaires décalés ou dans les PME » précise Marine Flévin, coach professionnel. Conscients des dangers inhérents à cette pratique, la France a été le premier pays au monde à intégrer, depuis le 1er janvier 2017 le droit à la déconnection au Code du Travail. Une jolie mesure sur le papier mais dont l’efficacité reste à prouver à en croire le sondage Ifop mené en juillet 2017 dans lequel 78% des cadres répondaient qu’ils consultaient toujours leurs mails et SMS professionnels pendant leur temps libre.

Pourquoi tant de blurring ?

Tout cela serait la faute de l’hyper connexion. Oui, mais pas que. S’il est vrai qu’elle a rendu possible des comportements qui n’existaient pas auparavant, « ce phénomène touche certaines typologies de personnes. Celles qui ont du mal à poser des limites, les perfectionnistes, les personnes qui manquent de confiance en elles, celles qui ont peur d’être prises en défaut ». Car l’image qu’on doit renvoyer est celui de la performance et d’une disponibilité professionnelle permanente. Et pour ces personnes qui sont dans le contrôle, « l’hyper connexion leur donne une illusion de contrôle » confirme Marine Flévin.

Conséquences et danger

Une des répercussions de ce flou peut entraîner une baisse de la qualité du travail et des performances. « Cette exigence d’une disponibilité permanente contraint la personne à répondre de façon immédiate, sans réflexion et concentration ». Il y a des conséquences plus insidieuses qu’on tarde à prendre au sérieux « comme la fatigue psychique énorme, le stress, la surcharge informationnelle qui empêche de se vider la tête. Cela peut entrainer des troubles somatiques, des prises de médicaments ou d’autres substances pour lutter contre le stress ». Conséquence ultime de cette pollution, le burn out, n’en déplaise à la ministre du Travail.

Résiste, prouve que tu existes

Ce n’est certainement pas une coïncidence si de nombreux actifs se tournent vers la méditation ou le yoga pour tenter d’échapper à cette charge mentale. Mais pour limiter les risques au quotidien, il faut avant tout « en être conscient et pour cela, il faut prendre la mesure de ce que l’on accomplit dans une journée de travail. Je propose à mes clients de faire une auto-analyse de leurs comportements ». Pour cela, il faut se munir d’un petit carnet et noter à la main les activités d’une journée ou deux. « Pour conscientiser ce que l’on fait » précise Marine Flévin qui conseille de noter chaque réponse de mail, chaque coup de fil passé et reçu en indiquant l’heure et le temps passé sur cette tâche. « Ce qu’il est intéressant d’examiner, c’est pour quoi cette personne a répondu. Qu’y avait-il d’urgent ? Qu’est-ce que ça lui a rapporté de répondre ? » Un exercice volontairement fastidieux car « c’est une façon de sortir de l’immédiateté, de prendre du recul ». Pour échapper à cette addiction, il faut aussi définir des limites par une méthode toute bête mais diablement effective : supprimer les alertes mail de son téléphone. « Ces alertes déclenchent une décharge d’adrénaline. Il peut être difficile de s’en passer les premiers temps mais c’est une façon de comprendre sa dépendance ». Aller plus loin en éteignant son téléphone quand on est au cinéma ou avec des amis. Autre petit tuyau : « ne pas participer soi-même au blurring » en envoyant un mail à ses collègues à 22h30. Toutes ces petites actions sont très efficaces et reposent sur une démarche : dédramatiser. Le monde ne va pas s’arrêter de tourner si vous ne répondez pas immédiatement. « Et si vous craquez, ce n’est pas la peine de culpabiliser, c’est contre productif » rassure Marine Flévin. Bref, avoir conscience de son état tout en étant bienveillant avec soi même. Et savoir que l’on n’est pas seul : on peut aussi se faire aider par un psychologue, un coach, en parler au CHSCT ou à la médecine du travail.

Marine Flévin, coach professionnel et personnel

marineflevin.com