Travailler en Suisse et vivre en France : ce qu'il faut savoir sur l’emploi frontalier

Par Nathalie Dépret

En 2021, la Suisse comptait environ 360 000 frontaliers dont 193 000 Français qui travaillent en Suisse et vivent en France. Si vous envisagez de rejoindre cette armée de frontaliers, voilà tout ce que vous devez savoir sur le pays de Roger Federer et du chocolat Lindt.

  1. Le statut de frontalier
  2. Le marché de l’emploi en Suisse
  3. Les profils recherchés
  4. Le multilinguisme helvétique
  5. Le droit du travail suisse
  6. La rémunération
  7. Disposer de son salaire
  8. Les codes de l’entreprise
  9. La fiscalité pour les frontaliers
  10. Quelle couverture santé ?
  11. Se déplacer entre la France et la Suisse
  12. Frontalier : où s’installer ?

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1. Habiter en France et travailler en Suisse : le statut de frontalier

Grâce aux accords bilatéraux passés entre l’Union Européenne et la Suisse, notamment l'Accord de libre circulation des personnes (ALCP), les Français qui travaillent en Suisse bénéficient du statut de frontalier.

  • Pour obtenir un permis de travail suisse, le candidat ou son employeur doit faire une demande au canton où réside l’entreprise et produire un contrat de travail.
  • En tant que frontalier, vous recevrez le permis G, valide 5 ans pour un CDI ou un CDD de plus d’un an
  • Par la suite, il est tout à fait possible de changer d’entreprise et de canton.

2. Travailler en Suisse et vivre en France : à quoi ressemble le marché de l’emploi ?

La Suisse n’est pas seulement le berceau du meilleur chocolat du monde (à notre humble avis). C’est aussi le pays du plein emploi ou presque avec une activité économique principalement tournée vers le secteur des services.

  • La Suisse occupe le deuxième rang de compétitivité mondiale derrière le Danemark, un prix décerné par le World Competitivness Ranking de IMD.
  • Selon les données fournies par l’OCDE, le taux d’emploi de la population active s’élève à 79,5% (contre 68% en France au 2ème trimestre 2022).
  • En juillet 2022, le Secrétariat d'Etat à l'économie indiquait un taux de chômage de 2%.
  • De son côté, le Groupement Transfrontalier Européen précise que 27 % de la population active en Suisse est étrangère. Dans le canton de Genève, 50 % de la population active vient de l’étranger.

L’association fournit également une cartographie précise des activités sectorielles potentiellement intéressantes pour un candidat.

  • Les cantons de Genève, Vaud, Valais : 80% des emplois proviennent du secteur tertiaire : la banque et les assurances, la santé, l'hôtellerie-restauration (d'affaires et de loisirs), la chimie, le bâtiment et les industries hautement qualifiées (haute horlogerie, mécatronique et biotechnologie.)
  • Les cantons de Neuchâtel, Jura, Berne et Fribourg : un secteur industriel très fort, de nombreuses entreprises d’horlogerie et de métallurgie et des centres de production.
  • La région de Bâle : secteur industriel et entreprises de chimie, pharmacie et biotechnologies, de nombreux sièges de banques et d’assurances et de grands centres des transports et de logistique.

3. Les profils recherchés en Suisse

Malgré son dynamisme économique, la Confédération est aussi le 4ème pays d’Europe le plus touché par une importante pénurie de main-d'œuvre.

  • En 2021, 83% des employeurs suisses rencontraient des difficultés pour trouver des candidats.
  • L’Observatoire sur la libre circulation des personnes entre la Suisse et l’UE précise les différents secteurs qui peinent à recruter du personnel qualifié dans des domaines déjà en tension pré-pandémie : Mathématiques, Informatique, Sciences Naturelles et Technique ainsi que la Santé.
  • En Suisse, les métiers les plus pénuriques concernent :

L’ingénierie

L’informatique

La médecine et la pharmacie

Le secteur fiduciaire.

  • Les secteurs avec une appétence particulière pour les frontaliers :

24% dans l’industrie manufacturière et de l’énergie

14% dans le secteur du commerce et de la réparation

11% dans l’immobilier et autres services économiques

4. Postuler en Suisse : le mutilinguisme

Avant tout, vous devez tenir compte de la particularité suisse. En effet, le pays de plus de 8 millions d’habitants est multilingue. Maitriser l’anglais en entreprise est évidemment un pré requis mais pas que.

  • Pour ceux qui ont séché les cours de LV1, mieux vaut candidater en Suisse romande et francophone, à savoir les cantons de Genève, Vaud, Neuchâtel et le Jura.
  • En Suisse Alémanique (Bâle, Zürich), il faut parler allemand.
  • Trois cantons sont bilingues (allemand et français) : Berne, Fribourg et le Valais.
  • Enfin, dans le Tessin et les quatre vallées du sud des Grisons, on parle italien.

Pour travailler en Suisse et vivre en France, il faut évidemment utiliser son réseau personnel et professionnel, connaître les spécificités du marché de l’emploi ou se rendre sur des sites spécialisés comme Monster Suisse.

En termes de candidature, le pays a une autre spécificité. Si les recruteurs français préfèrent un CV synthétique, les entreprises suisses veulent une lettre de motivation détaillée et un CV qui explicite clairement les tâches effectuées et les domaines de compétence. Le recruteur ne froncera pas les sourcils si votre CV tient sur 2 pages !

5. Le droit du travail suisse, en bref

Si vous envisagez d’habiter en France et travailler en Suisse, il est aussi important de vous familiariser avec les règles en vigueur de l’autre côté de la frontière.

  • La durée hebdomadaire de travail est en moyenne de 42 heures. En général, les journées de travail s’étendent de 8h à 17h (pause déjeuner comprise). En Suisse, faire des heures supplémentaires est un signe de désorganisation !
  • Les salariés suisses bénéficient de 4 semaines de congés payés. De nombreuses Conventions Collectives de Travail (CCT) prévoient jusqu’à 5 semaines.
  • La rémunération annuelle comprend 12 mois de salaire et un treizième mois en décembre mais ce n’est pas un avantage offert systématiquement.
  • Les charges salariales sont moins élevées en Suisse qu’en France : entre 10 et 15 % du salaire brut contre 23 % en France.
  • Licencier un collaborateur est plus facile qu’en France car l’entreprise n’a pas besoin de justifier cette décision. Un préavis est néanmoins requis : 7 jours en période d’essai, 1 mois pendant la première année, 2 mois pour 2 à 9 ans d’ancienneté et 3 mois à partir de dix ans.
  • Les frontaliers licenciés peuvent bénéficier du chômage en France.
  • Malheureusement, l’inégalité salariale traverse les frontières. Ainsi, selon l’Office Fédérale de la Statistique Suisse, les femmes cadres sont payées 16,8% de moins que leurs homologues masculins.

6. La rémunération en Suisse

La Suisse a la réputation de bien rémunérer ses salariés, il faut dire que le niveau de vie y est très élevé tant pour les logements, la santé, les transports ou l’alimentation. Le niveau des salaires est d’ailleurs la raison qui motive les frontaliers à travailler en Suisse et vivre en France.

  • Il n’y a pas de salaire minimum unique pour la Confédération. Il diffère selon les cantons : il est de 23,27 francs suisses (CHF) dans le canton de Genève et de 20,28 CHF dans le canton du Jura.
  • Le salaire moyen annuel suisse est de 69 726 $ (70 858€) alors que le salaire moyen annuel français s’élève à 49 619$ (50 425€) selon les données de l’OCDE en 2021.
  • En 2020, une étude de l’Observatoire sur la libre circulation des personnes entre la Suisse et l’UE indiquait que les frontaliers avaient un salaire inférieur de 8 % au total. Une variation qui s’explique notamment par le niveau de formation supérieure.
  • Le salaire moyen brut diffère également en fonction des secteurs d’activité et des cantons :

Suisse : 6361 CHF

Zurich : 6 907 CHF

Nord-Ouest-CH : 6 575 CHF

Suisse centrale : 6 380 CHF

Région lémanique : 6 320 CHF

Plateau : 6 217 CHF

Suisse orientale : 6 068 CHF

Tessin : 5 203 CHF

7. Travailler en suisse et vivre en France : gérer son argent

Comme vous l’avez compris, si vous travaillez en Suisse, vous serez rémunéré en francs suisses. En tant que frontalier, vous êtes libre de disposer de votre salaire dans la monnaie de votre choix. Vous avez plusieurs options pour le toucher:

  • Le virement transfrontalier (LSV) : vous signez une autorisation de prélèvement automatique sur votre compte suisse. La proportion souhaitée de votre salaire en CHF est ainsi automatiquement transférée vers votre compte en France.
  • Le virement international Swift :vous donnez le code Swift de votre banque française à votre banque suisse, ainsi que votre relevé d’identité bancaire international (IBAN).
  • Le Service de Rapatriement Transfrontalier :votre employeur verse votre salaire auprès d’une banque en Suisse, appartenant à une banque française. Votre salaire est alors automatiquement transféré sur votre compte en France.

Pour minimiser les risques de change, les banques proposent des contrats de garantie de change. La banque s’engage à acheter au frontalier ses devises en francs suisses pour un cours fixé à l’avance. Généralement

8. Travailler en Suisse : les codes de l’entreprise

Pour naviguer sereinement dans la culture d’entreprise suisse, il faut comprendre son fonctionnement qui peut légèrement différer selon les régions.

  • La ponctualité

La Suisse n’est pas le pays de l’horlogerie pour rien. Les réunions finissent et commencent à l’heure. On ne tolère pas les retards et on attend de tous le respect des délais.

  • L’importance de la hiérarchie

Là aussi, on ne plaisante pas avec la hiérarchie d’où une certaine formalité voire une rigidité dans les rapports hiérarchiques. D’ailleurs, il est très mal vu de critiquer son boss ou l’entreprise. En équipe, les collaborateurs dotés de compétences spécifiques sont consultés mais c’est le boss qui prend la décision finale sur laquelle on ne revient pas.

  • Le dress code

Les Suisses sont plutôt conservateurs en termes d’apparence, surtout dans certains secteurs du tertiaire bien qu’une tenue plus décontractée soit tolérée ailleurs. La Suisse a également assoupli ses attentes en la matière notamment avec l’arrivée en entreprise du « Friday wear ».

  • La culture du consensus

Genève est le siège européen de l’ONU et ce n’est sans doute pas un hasard. Le pays est réputé pour son aversion de critiques, de revendications ou d’intransigeance. Régler un désaccord se fait en discutant poliment autour d’une table et en laissant une personne parler sans l’interrompre.

  • La préparation et la rigueur

Allergiques aux risques, les Suisses sont très prudents. Ils ont un goût prononcé pour la méthodologie, le détail, la planification et l’évaluation minutieuse. Ils peuvent donc mettre du temps à prendre une décision. A titre d’exemple, une réunion est toujours planifiée avec un ordre du jour préétabli et des collaborateurs ultra-préparés.

  • La communication

Pour gagner en efficacité et en clarté, les Suisses ne passent pas par quatre chemins quand il s’agit de s’exprimer tout en restant poli. Ils préfèrent donc s’exprimer de façon très directe mais ne sont pas très friands de blagues.

9. La fiscalité pour les frontaliers

Pour les frontaliers, le mode de règlement de l’impôt sur le revenu dépend du canton dans lequel vous exercez votre activité professionnelle.

  • Si vous travaillez dans les cantons de Vaud, Valais, Neuchâtel, Jura, Berne, Bâle ville, Bâle campagne ou Soleure, vous payez vos impôts en France.
  • Si vous travaillez à Genève ou dans d’autres cantons, votre impôt est prélevé à la source en Suisse.
  • En Suisse, le taux moyen d’imposition est de 40%.
  • Pour éviter de payer deux fois vos impôts, vous avez l’obligation de remplir une attestation de résidence fiscale à transmettre à l’employeur au moment de l’embauche.

10. Travailler en suisse et vivre en France : quelle couverture santé ?

Si vous habitez en France et travaillez en Suisse, vous bénéficiez de ce qu’on appelle le droit d’option, dans les 3 mois de votre prise de poste. En remplissant le formulaire, « Choix du système d'assurance maladie », vous décidez d’être couvert par l’assurance maladie suisse (LaMal) ou l’assurance maladie française. Attention, ce droit d’option est définitif.

11. Se déplacer entre la France et la Suisse

De nombreux frontaliers ont tendance à utiliser leur voiture pour se rendre sur leur lieu de travail en Suisse. Si vous envisagez cette option, prévoyez un budget essence, préparez-vous aux embouteillages notamment aux postes de douane de Vallard et Bardonnex et familiarisez-vous avec le code de la route helvétique.

Mais il n’y a pas que la voiture dans la vie. Pour alléger le trafic routier, les systèmes de transport ne manquent pas avec, par exemple :

  • La voie verte du Grand Genève pour relier en vélo Annemasse et Genève.
  • Le Tramway Annemasse-Genève pour rejoindre le centre-ville en moins de 25 minutes.
  • Le Léman express avec 6 lignes et 240 trains qui circulent de Coppet à Évian-les-Bains, Annecy, Saint-Gervais-les-Bains, Bellegarde et Annemasse.
  • Les trains de Pontarlier à Neuchâtel
  • Les transports fluviaux avec la CGN avec la Ligne N1 Lausanne-Évian, Ligne N2 Lausanne-Thonone et la Ligne N3 Nyon-Yvoire.

12. Vivre en France et travailler en Suisse : où s’installer ?

Pour obtenir le statut de frontalier, il faut également résider au moins un jour par semaine en France. Alors où vivre si vous travaillez en Suisse ? Disons que si vous vivez dans les Pyrénées-Atlantiques, inutile de vous dire que faire la navette avec votre lieu de travail serait cauchemardesque !

  • La majorité des frontaliers vivent en Auvergne-Rhône-Alpes, dans le Grand Est et la Bourgogne-Franche-Comté. Selon les données de l’Insee datant de 2016, plus d’un Haut-Savoyard sur cinq exerçait son activité professionnelle en Suisse.
  • Si vous travaillez à Lausanne ou Genève, vous pouvez vous installer à Annemasse, Vétraz-Monthoux, Gaillard, Veigy-Foncenex, Bonne, Cranves Sales etc.
  • Si votre entreprise est installée à Neuchâtel, envisagez Pontarlier, Frasne ou Villers-Le-Lac

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