Candidats non-binaires : comment en parler sur votre CV et aux recruteurs ?

Par Nathalie Dépret

En France, les questions relatives à l’identité de genre sont encore largement ignorées. Côté employeurs, l’embauche potentielle de personnes non binaires déclenche souvent des réactions d’appréhension ou de confusion. Ce qui pousse certains candidat.e.s à se demander comment parler de soi en entretien quand on est non-binaire.

Si les entreprises font des efforts en terme d’inclusion auprès de la communauté lesbienne, gay et bisexuelle, la question de genre et plus particulièrement de la non-binarité dans l’emploi ressemble à un terrain miné où les employeurs n’osent pas mettre les pieds.

Une posture passive qui complique sensiblement la vie des salarié.es non binaires ou transgenres comme l’indique une étude menée par le Boston Consulting Group (BCG) :

  • Dans l’Hexagone, 81% des collaborateur.ice.s transgenres ou non binaires (TNB) n’ont pas fait de coming-out dans leur cadre professionnel. Ce qui place la France en dernière position des huit pays sondés dans l’étude.
  • Si 25% des salarié.e.s TNB prônent une séparation intentionnelle de leurs vies professionnelle et personnelle, 19% craignent l’impact négatif de leur coming-out sur leur carrière et 16% redoutent les réactions de leurs collègues.
  • 81% des employé.e.s TNB ont fait face à des comportements négatifs sur le lieu de travail au cours des 12 derniers mois
  • 47% ont été mégenré.e.s
  • 47% ont été ouvertement exclu.e.s par leurs collègues cisgenres
  • 45% ont subi des questions invasives
  • 43% ont été sexuellement agressé.e.s ou harcelé.e.s
  • 40% ont été forcé.e.s de révéler leur identité de genre à leurs collègues

Face à cet état des lieux plutôt navrant, comment parler sereinement de sa non-binarité lors de sa recherche d’emploi ? Pour vous guider dans cette démarche délicate, nous avons rencontré Élie Toupart, consultant.e en recrutement au sein du cabinet Inspire RH.

1. Connaître vos droits

Tout d’abord, en tant qu’actif.ve, il est important de vous familiariser avec la législation en vigueur à l’heure où les discriminations à l’embauche sont encore très présentes sur le marché de l’emploi.

« C’est la première chose à faire : se renseigner au préalable sur les réglementations pour savoir quelle posture adopter envers des personnes qui ignorent tout du sujet et sont même réfractaires. En France, on a des droits qui nous protègent, il faut les connaître » indique Élie Toupart.

2. Cibler les entreprises

Idéalement, mieux vaut postuler auprès d’entreprises inclusives. Mais cette présélection « dépend aussi de votre situation personnelle. Si vous avez des difficultés à trouver un emploi ou si vous avez des soucis financiers, vous n’aurez pas forcément le choix ».

Pour vous renseigner, vous pouvez visiter le site de l’entreprise qui ne manquera pas de citer sa politique et ses actions en faveur de la communauté LGBTQ. Mieux encore, vous pouvez vous appuyer sur votre réseau professionnel et les réseaux sociaux pour recueillir les avis des salarié.e.s.

Mais attention de garder l’esprit ouvert prévient la.le consultant.e en recrutement :

« Bien sûr, il faut se renseigner avant et postuler auprès d’entreprises qui mènent cette politique ou qui, au moins essaient de faire des efforts. Mais une absence d’information ne veut pas dire que l’entreprise n’est pas ouverte : vous pouvez tomber sur des employeurs sensibles au sujet mais qui ne vont pas forcément le mettre en avant dans leur communication ».

3. Peaufiner votre CV

Avant de postuler, un.e candidat.e doit remettre à jour son CV. Nul n’est censé ignorer la loi et ses critères contre la discrimination : une personne non-binaire n’a donc absolument aucune obligation d’indiquer l’identité de son genre sur son CV. Après tout, nombreux sont les candidats qui préfèrent ne pas mentionner certaines informations pour éviter de subir des préjudices (in)conscients.

« Beaucoup d’entreprises ne connaissent absolument pas le sujet donc indiquer non binaire sur un CV risque de susciter une grosse incompréhension de la part de la majorité des recruteurs. A titre personnel, je ne le préciserai pas, c’est un sujet trop discriminant qui n’a pas sa place sur un CV. Il faut avant tout donner envie qu’on vous recrute pour vos compétences, peu importe votre identité de genre, votre couleur de peau etc. ».

4. Mettre votre profil à jour sur les réseaux sociaux

Si vous ne vous sentez pas tout à fait prêt.e à faire votre coming-out face à un recruteur, vous pouvez choisir de semer quelques indices en indiquant par exemple le pronom auquel vous répondez sur les plateformes des réseaux sociaux.

« C’est ce que j’ai fait et ce que je conseille. En effet, pour certain.e.s, c’est difficile de dire frontalement ‘je suis non binaire’. Indiquer son pronom sur son profil peut être une façon détournée de l’annoncer sans forcément affronter l’aspect négatif des questions ».

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5. Faire votre coming-out (ou pas)

Si votre candidature a été retenue, la question va forcément se poser. Là encore, décider de votre coming-out reste entièrement votre propre décision et personne n’a le droit de la juger.

Pour Élie Toupart, « ce choix va dépendre de votre situation. Si vous avez accès à un certain nombre d’offres, vous avez logiquement plus de choix. Alors, si vous en parlez ouvertement, l’entreprise est au courant et si ça ne lui convient pas, elle n’appelle pas ».

Parfois, il est aussi sage de ne pas se précipiter. « Rien ne vous empêche d’aborder le sujet ultérieurement si vous ne vous sentez pas à l’aise lors du processus de recrutement. Cela permet de prendre le temps de vous faire une opinion plus précise pendant la période d’essai, discuter avec les gens et avoir de bonnes surprises ».

6. Vous préparer à répondre à beaucoup de questions

Il est fort probable pour que vous rencontriez un recruteur qui ignore ce que signifie cisgenre. Ou qui vous demande « mais qu'est-ce qu’une personne non binaire ? » Dans ces situations, il faut savoir faire preuve de patience et de pédagogie. En effet, ignorance ne signifie pas forcément intolérance.

« En tant que non-binaire, il faut partir du principe que le recruteur n’est pas formé à la question. Il est important de rester calme, de faire un travail de pédagogie parce qu’on n’a pas toujours le choix. Si on explique calmement, les gens sont capables de comprendre à défaut d’être d’accord ».

D’où l’importance d’aborder la non binarité simplement :

  • «Commencez plutôt par poser des questions à la personne pour savoir si elle connaît le sujet, la différence entre genre et sexe etc.
  • Expliquez ensuite que le genre est une construction sociale qui n’a rien de scientifique ou de biologique.
  • Enfin, indiquez que certaines personnes ne se retrouvent pas dans la catégorie homme ou la catégorie femme. Iels peuvent être en dehors de cette catégorie ou se situer au milieu, ou encore se sentir parfois homme et parfois femme, ce qu’on appelle la fluidité de genre ».

7. Faire preuve de diplomatie

Si vous décidez de faire savoir que vous êtes non-binaire, il y a des chances que le recruteur commette des impairs. Ne le prenez pas mal, il va certainement s’excuser , ce qui vous permettra de revenir à ce qui compte : votre expérience et vos compétences.

« La plupart des personnes non binaires ont l’habitude de s’entendre appeler elle ou il. Iels ne vont pas en faire un scandale si ça produit. Ce n’est pas grave de faire une erreur. Ce qui est grave, c’est quand on corrige et que la personne continue à utiliser le mauvais pronom ».

  • « Vous pouvez dire au recruteur : personnellement, je préfère utiliser tel pronom pour parler de moi et observer sa réaction. Soit ça passe et on avance. Soit la personne ne comprend pas et il va falloir expliquer ce qu’est le genre et la non binarité ».
  • « Si vous décidez de corriger le recruteur, ça peut être compliqué s’il n’y connaît rien. Personnellement, je ne corrige pas tout de suite, je fais l’entretien en discutant normalement même s’il utilise le mauvais genre ».
  • « Vous pouvez aborder le sujet de manière un peu détournée. Au lieu d’annoncer ‘je suis non binaire’. Posez des questions pour savoir quelles sont les pratiques de l’entreprise sur la transidentité, la non binarité, sa politique d’inclusivité et ses actions en la matière ».
  • Si l’entreprise promeut une politique inclusive, « vous pouvez vous dévoiler un peu plus en précisant le pronom de votre genre ».
  • Ne vous fiez pas uniquement à la rencontre avec le recruteur. Si vous sentez qu’il fait un blocage, dites-vous que ce n’est pas forcément le cas pour le reste de l’entreprise et vice et versa. « Le but est d’en parler à certaines personnes et de voir comment elles réagissent ».

8. Etre patient.e

Facile à dire dans un environnement qui ne reconnaît pas votre identité de genre. Si à l’heure actuelle, la culture d’entreprise en France ne sait pas comment aborder le sujet, il semble que le poids de cette éducation repose pour le moment sur les épaules des personnes non-binaires :

« Quand on est une personne trans, on doit répondre à des tas de questions en permanence. Mais il vaut mieux poser des questions que faire des bêtises même si un employeur ne peut pas tout reposer sur un.e salarié.e non binaire : après tout, iel ne détient pas la vérité absolue. C’est une charge mentale qui est parfois très lourde à porter au sein de l’entreprise d’où l’importance d’avoir une personne référente sur la question de l’inclusivité » explique la consultant.e.

9. Soigner votre tenue

Chaque secteur a des exigences précises concernant la tenue appropriée pendant l’entretien d’embauche. Des codes qui n’ont rien à voir avec la question du genre : on ne s’habille pas de la même façon dans la finance que dans la publicité.

« J’ai envie de dire qu’on peut s’habiller comme on veut. Lorsqu’on recrute, on cherche des êtres humains, pas des robots, on veut savoir qui est cette personne. Mais en réalité, beaucoup d’entreprises sont assez rigides concernant le code vestimentaire. Il faut rester un minimum soi-même, le but n’est pas de se déguiser mais de rester simple » conclut Élie Toupart.

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