7 choses à savoir sur l’humour en recrutement (et en général)

Dans l’offre d’emploi, pendant l’entretien… : l’humour est-il pertinent en recrutement ? Jérôme Guibourgé, sémioticien, répond un oui sous conditions.

« L’humour s’intègre à un contexte général de l’entreprise, il s’inscrit dans la pensée des relations avec les différentes parties prenantes, or l’humour est souvent plutôt pensé comme un gadget que comme une stratégie », observe Jérôme Guibourgé, docteur en sémiotique, designer et auteur du livre L’humour en publicité (Academia, février 2018).

1. La difficulté initiale : savoir ce qu’est l’humour

Il y a une difficulté première : penser l’humour. La Science elle-même l’explique mal. Dans les sciences humaines et les sciences du langage, certains désignent l’humour comme une catégorie — dans ce cas, il doit avoir des propriétés partagées par n’importe quel type d’humour. D’autres le considèrent comme un type, au même titre que le gag, la farce, l’ironie, le sarcasme, la moquerie, le calembour, le jeu de mots… — nul besoin alors que ces types aient des propriétés communes. Ils s’accordent cependant pour dire que l’humour fait bouger l’humeur, selon la façon dont on l’interprète. Par exemple, vous êtes triste, quelqu’un cherche à vous dérider avec un trait d’humour, vous y êtes sensible et vous voilà euphorique.
À l’issue de ses travaux avec le CNRS, Jérôme Guibourgé a tranché : l’humour est une catégorie avec des types et des sous-types. Un exemple ? Le type d’humour ironique a notamment pour sous-types la moquerie et le sarcasme. « Il y aurait une nuance entre ces trois qui serait une nuance de méchanceté », précise-t-il.

2. Dans l’humour, on pose la reconnaissance de l’humanité de l’autre

Au-delà du bien-être qu’il peut provoquer quand on l’interprète positivement, l’humour est bon parce qu’il est de l’ordre du don gratuit. Mais aussi parce qu’il y a dans l’humour de la reconnaissance : celle de l’intelligence de l’autre qui comprend qu’on fait de l’humour, et celle de son appréciation — Jérôme Guibourgé parle de « dilection », sorte d’amour spirituel dans l’humour. Avec l’humour, « on sort de l’échange économique et on pose un échange d’humeur qui est quelque chose d’humain, c’est une reconnaissance de l’humanité de l’autre », explique-t-il.

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3. Toutes les formes d’humour ne se prêtent pas au recrutement

L’humour est pertinent en recrutement à condition de bien comprendre ses différents types pour ne rien provoquer de négatif. D’autant que l’humour agit sur l’humeur (il peut décontracter un candidat, ou non), les comportements (il peut le pousser à postuler, ou non) et touche les valeurs (il peut créer une adhésion ou un rejet profonds). Manier l’ironie est ainsi une prise de risque colossale parce que ce type d’humour touche les valeurs de la personne. Il faut également savoir que pour que l’humour soit compris, il faut y participer. On évite donc, encore, ce qui relève de l’ironie, comme la dérision, le sarcasme, la moquerie car ces types d’humour se font au détriment de quelqu’un. « Le calembour et le mot d’esprit sont les formes d’humour qui passent le plus facilement, d’autant mieux qu’ils s’appuient sur le langage verbal qui est un bon support », poursuit notre interlocuteur.

4. L’humour demande du rythme dans la communication et de la finesse dans la relation

Quand on fait le choix de ce registre dans sa communication de marque employeur, il faut penser au rythme, c’est-à-dire à la fréquence de l’humour et à son intensité. Dans la relation avec les candidats, il demande beaucoup de finesse car on a des êtres devant soi. Le statut du recruteur compte aussi : quand un DRH humorise, c’est la voix du décideur qu’on entend, et sa portée est particulièrement grande — ça ne plaisante pas pourrait-on dire.

5. L’humour permet à l’entreprise de passer d’un échange économique à un échange social

Faire de l’humour est une prise de risque et une opportunité. « Une prise de risque parce qu’on intervient dans l’échange social, et l’opportunité pour l’entreprise de passer d’un échange économique à un échange social », poursuit Jérôme Guibourgé. Dans le face-à-face avec le candidat, l’humour, ad hoc, apporte une certaine décontraction, personne ne s’en plaindra. Mais l’instant complice souhaité peut se transformer en moment de solitude si la situation est mal évaluée. Les cas de figure étant très variables, ne prenez le risque de l’humour qu’après avoir perçu ce qui se passe à tel instant avec telle personne.

6. L’humour peut rencontrer les valeurs de l’entreprise

L’humour peut en outre rencontrer les valeurs éthiques et celles de l’entreprise (techniques ou sociales) et donc renforcer le message de la marque employeur. « Dans une entreprise pilotée par des valeurs techniques, l’humour peut être perçu comme un prétexte pour gagner en rentabilité. Dans une entreprise pilotée par des valeurs sociales, comme les mutuelles ou les coopératives, il sera potentiellement plus en résonnance, plus crédible », développe Jérôme Guibourgé.

7. L’humour demande de la cohérence, dans la communication et la relation

Si une marque n’a jamais mis d’humour dans son image et que l’humour s’invite pendant l’entretien d’embauche, il peut être compliqué pour le candidat de savoir sur quel pied danser : s’agit-il de l’humour (caché) de la marque, ou de celui du recruteur ? « Si l’humour existe dans la marque, il doit exister dans la relation avec le candidat sinon il y a un manque de cohérence », conclut-il.

Sophie Girardeau