IA & emploi : 5 applications en ressources humaines

L’IA va fournir des données qui permettent d’apporter une réponse individualisée dans presque tous les domaines de la fonction RH. Focus sur quelques apports de cette technologie en ressources humaines.  

Recrutement, gestion des absences, des parcours, bien-être au travail, sécurité, prévention… : nombreux sont les domaines des ressources humaines où l’intelligence artificielle trouve une application.

1. En présélection des candidats, utiliser l’IA pour détecter des soft skills

Dans l’écosystème RH, « de plus en plus de solutions émergent pour analyser les signaux faibles de soft skills dans les CV — par exemple, avec tel parcours, un candidat est censé avoir développé telles compétences », note Cédric Gérard, directeur marketing Europe du Sud et BELUX de Monster. Chez AssessFirst par exemple, on se sert des données et non des représentations des personnes pour objectiver la définition d’un profil cible. « Les soft skills comptent plus que les hard skills dans beaucoup de jobs », constate David Bernard, CEO de cet éditeur de solutions de recrutement prédictif. À l’ère de l’obsolescence rapide des compétences, l’agilité intellectuelle, l’ouverture d’esprit, la capacité à se mettre à niveau pèsent en effet dans les choix des recruteurs. La tendance, qui permet plus de diversité, notamment dans le sourcing, est plutôt bien perçue par les candidats. Pour Cécile Dejoux, professeur au Cnam, modéliser revient cependant à créer encore des process sans tenir compte de l’essentiel, le changement, dans l’entreprise et de la personne : « Quand tout change, comment faire pour fonctionner ? »

2. Modéliser grâce à l’IA les profils les mieux adaptés et les plus adaptables

AssessFirst a justement étudié les caractéristiques de la capacité à changer auprès de 85 000 personnes. Capacités d’abstraction et de leadership supérieures à la moyenne, ouverture intellectuelle, inventivité…, voici quelques traits du A-Player, modèle créé à partir des données recueillies. « Un A-Player a 30% de chances d’évoluer rapidement et d’arriver à des fonctions de direction voire de direction générale, contre 2% des personnes qui ne le sont pas », explique David Bernard. Plus le changement s’accélère, plus ces critères comptent, mais l’histoire ne dit pas clairement ce qu’il advient des profils qui fonctionnent autrement… Et toutes les entreprises trouveront-elles dans l’IA leur solution de recrutement ? Sabine Vikelas, directrice du développement chez Astek, ESN de 3000 collaborateurs qui recrute 600 personnes par an, en doute : « Dans des marchés moins concurrentiels que le nôtre, le recrutement prédictif peut être une solution mais dans le nôtre, tant qu’il sera autant en tension, je ne crois pas, nos choix de candidats seront restreints. »

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3. L’automatisation pour fluidifier la communication RH externe et interne

Pour une entreprise à forte notoriété, répondre à des questions arrivant tous azimuts (sur l’avancement d’une candidature, sa politique de recrutement…) relève d’irritants compliqués à gérer quand les candidats veulent des retours quasiment instantanés. « À l’ère du conversationnel, l’entreprise est obligée d’adapter sa communication mais ne va pas dédier une personne à ces réponses 24h/24. Elle peut automatiser ce type de tâche en utilisant des chatbots, la difficulté étant de bien détecter l’intention du candidat pour lui apporter la meilleure réponse », explique Mathieu Lemonnier, CEO de Kick My Bot. Les irritants proviennent aussi de l’intérieur. Il suffit de demander au service paie un duplicata de bulletin de salaire égaré il y a des années et d’attendre des semaines pour s’en rendre compte… Ou de demander au chatbot. Astek, qui en a déjà utilisé pour fidéliser ses salariés, trouve que cela leur apporte un surplus de service et prévoit d’étendre cette solution à d’autres sujets.

4. Avec l’IA, améliorer la prévention des accidents et le bien-être au travail

En numérisant toute l’accidentologie des méthodes de travail, dormant la plupart du temps en format papier dans des armoires, « on peut grâce à l’IA travailler sur du profiling, surtout dans les multinationales », explique Jean-David Benassouli, associé Head of Data & Analytics chez PwC. En exploitant toutes ces données, on trouve des biais — dans la restauration par exemple, on travaille la nuit, ça glisse, il y a des couteaux… —, et avec les algorithmes, on peut élaborer des modèles pour prévenir les risques et contribuer à augmenter le bien-être au travail. Dans ce secteur ou d’autres, comme l’énergie et le bâtiment, où les accidents restent fréquents, « on peut trouver des corrélations qu’il faut regarder d’un point de vue métier », complète-t-il.

5. L’IA, boîte à outils des RH pour fournir une réponse émotionnelle et relationnelle adaptée

L’IA permet l’individualisation des parcours, des motivations, de la gestion des talents… « Elle va apporter des données qui permettent d’apporter une réponse individualisée dans à peu près tous les domaines de la fonction RH », estime Cécile Dejoux. Mais jusqu’à nouvel ordre, le robot, qui fonctionne à partir de critères prédéfinis et sans tenir compte du contexte d’un instant T, ne peut pas savoir comment se sent une personne, contrairement à l’humain qui garde la main sur cet aspect-là. « L’intelligence artificielle sera une magnifique boîte à outils qui donnera aux RH les éléments pour fournir une réponse adaptée d’un point de vue relationnel et émotionnel », conclut-elle.

Propos recueillis lors de la huitième édition du Monster Talk sur le thème de l’impact de l’intelligence artificielle sur l’emploi et les RH, qui s’est déroulée le 15 mars 2018 en présence de Jean-David Benassouli, associé head of data & analytics chez PwC, David Bernard, CEO d’AssessFirst, Cécile Dejoux, professeur au Cnam, Mathieu Lemonnier, CEO de Kick My Bot, Christophe Tricot, manager et expert IA chez Kynapse, et Cédric Gérard, directeur marketing Europe du Sud et BELUX de Monster.

Sophie Girardeau